Le paysage, longtemps considéré comme un genre mineur, a pourtant traversé les siècles, passant d’une simple représentation de la nature à une forme d’expression artistique majeure. Bien que sa hiérarchie ait été codifiée par les théoriciens académiques au XVIe siècle, il s’est rapidement imposé au sein des courants artistiques, donnant naissance à des œuvres marquantes qui ont traversé les époques.
L'émergence du Paysage à la Renaissance
Le genre du paysage prend véritablement forme à la Renaissance. Dès le XVIe siècle, on retrouve cette représentation dans les œuvres de peintres aussi bien italiens que flamands. Ce sont principalement les peintres de la région des Flandres, comme Mathias et Paul Bril, qui abordent le paysage de manière réaliste, tandis que les artistes italiens, tels que Léonard de Vinci ou Titien, s’orientent vers des paysages idéalisés, représentant une nature harmonieuse et souvent dominée par des scènes mythologiques ou religieuses. En 1520, le terme paysage fait son apparition pour désigner les œuvres représentant la nature, notamment dans les collections vénitiennes.
Les Paysages réalistes et classiques
Deux grandes tendances coexistent dans la peinture de paysage. D'une part, le paysage réaliste ou naturaliste, qui est cher aux artistes nordiques, cherche à capturer la nature telle qu'elle est, dans ses moindres détails, comme on peut le voir dans l'œuvre de Jacob von Ruisdael. Son Moulin de Wijk bij Duurstede, peint vers 1670, symbolise l'esprit réaliste du paysage, avec des représentations de moulins et des paysages urbains typiques des Pays-Bas.
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D'autre part, le paysage classique se développe à partir du XVIIe siècle, porté par des artistes comme Annibal Carrache, Claude le Lorrain et Nicolas Poussin. Ce type de paysage se distingue par sa rigueur et ses constructions visuelles méticuleuses, où l'harmonie et la théâtralité prennent le pas sur la fidélité à la réalité. Par exemple, la Fuite en Égypte de Carrache représente une nature idéalisée, enrichie de références religieuses, et la Nymphe Égérie de Claude le Lorrain illustre un paysage arcadien, un idéal de beauté naturelle.
La peinture de paysage connaît un grand développement au XVIIe siècle, notamment dans les Pays-Bas, où l'interdiction des images religieuses par la Réforme protestante pousse les artistes à se tourner vers des scènes de nature. Ce genre, qui était autrefois considéré comme mineur, devient très prisé. La France, par l'intermédiaire de Roger de Piles, distingue plusieurs types de paysages : le paysage héroïque, qui représente une nature idéale et grandeur humaine, et le paysage pastoral, qui propose une vision plus naturaliste et harmonieuse entre l'homme et la nature. Au XVIIIe siècle, la pratique du paysage se diversifie avec des styles comme le paysage topographique, qui illustre des lieux réels avec un souci de précision, particulièrement prisé par les peintres de l'école hollandaise. Le genre se réinvente également avec une démarche plus empirique, cherchant à observer la nature directement sur le terrain, ce qui préfigure les techniques modernes de représentation.
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La Peinture de Paysage au XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle voit le paysage s’imposer davantage, notamment à travers des sous-genres tels que les marines et les vedute, ces vues détaillées de paysages urbains, comme celles de Giovanni Antonio Canaletto qui dépeint Venise sous ses multiples facettes. À la fin du siècle, l'art du paysage s’oriente vers l'expression du sublime, une démarche qui allie beauté et terreur, avec des scènes spectaculaires de naufrages ou de paysages montagneux, tel que Vue du Vésuve depuis Posilippo de Joseph Wright.
La Peinture de Paysage au XIXe
Au XIXe siècle, la peinture de paysage connaît une véritable explosion, rivalisant avec le portrait en termes de production. Les demeures bourgeoises ornent leurs murs de paysages, tandis que les artistes adoptent diverses approches pour représenter la nature. Certains privilégient la restitution immédiate de la lumière et de l'atmosphère, capturant un instant précis, comme le font les peintres en plein air utilisant l'aquarelle ou l'huile. D'autres explorent l'émotion ressentie face au paysage, cherchant à transmettre la grandeur ou la mélancolie de la nature. Avec l'invention de la photographie, les artistes voient leur pratique enrichie d'un nouveau document visuel, tout en augmentant l'attrait du paysage comme sujet. Les peintres comme Corot ou Turner par exemple, vont au-delà des simples représentations naturelles et cherchent à établir un lien intime entre l'homme et la nature. Ils réalisent des œuvres où le paysage devient non seulement un sujet esthétique mais aussi une réflexion sur les mutations sociales et industrielles de l'époque.
Le peintre Lacroix de Marseille, actif au XIXe siècle, est un artiste souvent associé à la scène locale et à la représentation des paysages et de la vie quotidienne de la région. Connu pour ses scènes colorées et vibrantes, il capture avec sensibilité les paysages typiques du sud de la France, en particulier ceux de la Méditerranée et des environs de Marseille. Sa palette lumineuse et sa maîtrise du contraste mettent en valeur la beauté naturelle et l'atmosphère unique de cette région.
Photos :
- Huet, Jean-Baptiste (dit l'Ancien), Paysage aux échassiers, entre 1765 et 1770, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris.
- Oudry, Jean-Baptiste, Paysage avec un oiseau, 1730, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris.
- Mauperché, Henri, Paysage, vers 1650, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
- Vernet, Joseph, Paysage avec des lavandières, 1763, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
- L'Orizzonte (Jan Frans Van Bloemen dit), Paysage d'Italie, entre 1682 et 1749, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
- Joseph Wright of Derby (1734-1797), Lac avec un château sur une colline, huile sur toile, 1787, domaine public, Saint Louis Art Museum.
- Guillaumin, Armand, Paysage, le rocher de la Fileuse, entre 1893 et 1920, huile sur toile, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
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